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Topic Histoire


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il y a 5 minutes, elmö a dit :

la statue n'est pas détruite (sauf erreur de ma part, j'ai pas tellement suivi le bordel) donc ça me parait pas comparable...

Dans l'immédiat il n'est effectivement pas question de l'enlever. Maintenant (et j'ai pas tout suivi particulièrement en détail non plus), y a peut-être une raison bien précise qui fait que cette statue était à cet endroit précis et pas à un autre, donc déja si on la déplace c'est un peu déja transformer l'histoire (comme on le fait avec les musées par exemple, et sur cette question y a aussi des débtas très vifs sur l'endroit où sont stockées les pièces de patrimoine).

Parmi les distinctions entre "iconoclastie grave/iconoclastie pas grave", j'aurais aussi pu citer l'exemple très parlant et récent de la Lybie, où quand Khadafi menaçait de péter les vestiges romains ça gueulait à la brute sanguinaire côté français mais quand on il a été question d'envoyer nos avions tout péter ou de foutre n'importe qui à la tête du pays et de les laisser se démerder avec leur patrimoine (ce qu'ils ont fait dans beaucoup d'endroits à grands coups de dynamite) on s'est posés beaucoup moins de questions...

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à mon avis tu mélanges pas mal de choses qui sont déjà elles-mêmes compliquées -_- 

bon déjà je crois qu'aux usa il s'agit de plusieurs statues/plaques/machins donc du coup c'est chaud de savoir si les lieux d'implantation sont importants etc...

mais l'évolution des villes fait que de temps en temps on finit forcément par déplacer/détruire des éléments ou des batiments, ça relève parfois de la propagande du moment (à raison ou pas), ou de questions pratiques ou esthétiques, il peut aussi parfois y avoir un changement de fonction comme par exemple avec les batiments mussoliniens...

pour les musées c'est encore autre chose, j'imagine que tu parles par exemple de tous les trucs antiques pillés qu'on commence un peu à rendre à leurs pays d'origine...

et si en plus tu rajoutes le bordel des pays en guerre et l'hypocrisie générale :grin: 

bref dans tout ça on a des problématiques tellement différentes que j'ai du mal à te suivre sur le lien qu'on pourrait faire...

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Il y a 1 heure, elmö a dit :

bref dans tout ça on a des problématiques tellement différentes que j'ai du mal à te suivre sur le lien qu'on pourrait faire...

Y a pas de lien à faire avec "tout ça". Juste sur le discours dominant, qui est fait de tout blanc ou tout noir mais jamais de nuances de gris alors que c'est beaucoup plus compliqué que d'un coté y a les gentils et de l'autre les méchant. -_-

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alors dans ce cas oui, enfin de manière générale, parce que je suis toujours pas convaincue par la pertinence des exemples choisis même si je comprends mieux ce que tu veux dire^^

 

pour rester un peu dans le même genre de truc, en lisant les coms du spoiler de dunkerque sur le blog d'odieux connard, quelqu'un parlait de comment le cinéma hollywoodien modèle notre perception de l'histoire et de ça :

http://www.slate.fr/story/88935/defaite-nazis-sondage

 

et pour en revenir aux destruction de daesh, les mecs sont pas complètement teubés (ou pas si convaincus par leur délire) puisqu'ils ont bien compris qu'il y avait beaucoup de blé à se faire en revendant les antiquités pillées à des occidentaux pas très exigeants sur la provenance de ce qu'ils achètent...je sais pas si il faut s'en réjouir mais c'est toujours ça de sauvé...et d'enfermé dans des collections privées :ninja: 

 

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Il y a 7 heures, LaCroix a dit :

Y a pas de lien à faire avec "tout ça". Juste sur le discours dominant, qui est fait de tout blanc ou tout noir mais jamais de nuances de gris alors que c'est beaucoup plus compliqué que d'un coté y a les gentils et de l'autre les méchant. -_-

Oui. Mais ce n'est pas parce que c'est compliqué que tout devient relatif et tout se vaut. Et que du coup n'importe quel exemple peut servir de base à ton argumentation parce qu'en faisant ça tu ne fais pas dans l'iconoclastie tu fais juste la symétrie du discours dominant qui ne vaut pas mieux car elle ne s'attaque pas plus à la complexité.

#schtroumpfalunettes

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Il y a 8 heures, elkjaer a dit :

Oui. Mais ce n'est pas parce que c'est compliqué que tout devient relatif et tout se vaut. Et que du coup n'importe quel exemple peut servir de base à ton argumentation parce qu'en faisant ça tu ne fais pas dans l'iconoclastie tu fais juste la symétrie du discours dominant qui ne vaut pas mieux car elle ne s'attaque pas plus à la complexité.

#schtroumpfalunettes

Encore une fois, ce que je cherche surtout à dire, c'est que l'Histoire qui est écrite par les vainqueurs ne doit pas faire oublier qu'il existe une Histoire réelle dont les faits sont quant à eux incontestables. Rome, et notamment sa conquête du Moyen-Orient, ferait passer les régimes totalitaires actuels pour des camps de vacances. Pourtant, on ne garde en tête que le fait que c'était une civilisation brillante en terme de culture et de patrimoine (alors qu'ils ont régulièrement pris un soin méthodique pour éclater tout ce qui n'était pas compatible avec la culture que voulait mettre en place les romains).

Là, ce qui me dérange dans l'histoire de Charlottesville, plus que la question de la statue du Général Lee en elle-même, c'est non seulement qu'on fait comme si être nazi aux USA était une nouveauté et quelque chose d'absolument intolérable (alors qu'on sait aujourd'hui que les Etats-Unis d'Amérique ont aidé le régime nazi pour lequel ils ont toujours eu une sympathie idéologique beaucoup plus élevée que vis-à-vis des cocos), mais aussi la réécriture de la guerre de sécession en "d'un côté y avait les méchants esclavagistes, de l'autre les gentils libertaires" alors que c'est beaucoup plus complexe que ça. -_-

Modifié par LaCroix
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Il y a 3 heures, LaCroix a dit :

Pourtant, on ne garde en tête que le fait que c'était une civilisation brillante en terme de culture et de patrimoine

tu parles, ils ont tout pompé aux grecs :ninja:

 

d'ailleurs j'ai appris récemment que césar parlait grec :buseenhistoire:

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il y a 37 minutes, elmö a dit :

tu parles, ils ont tout pompé aux grecs :ninja:

 

d'ailleurs j'ai appris récemment que césar parlait grec :buseenhistoire:

Et avec Cléopâtre, ils parlaient quelle langue d'ailleurs ?

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Le 21/08/2017 à 16:53, elmö a dit :

tiens marco, je crois que ça va dans le sens de ce que tu essaies de dire^^

https://unodieuxconnard.com/2017/08/17/lhistoire-en-marche-arriere/

dans ce site, d'autres avis (sur d'autres sujets) et un récit des débuts de la bataille de stonne, un cousin midi-pyrénéen de ma grand-mère a participé à cette bataille, mais hélas dans l'infanterie, pas dans les blindés

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  • 4 semaines plus tard...

Un texte qui fait frémir, de Giono

 

Vous ne tarderez pas à comprendre que ces petites choses matérielles sales et basses ont beaucoup plus d’importance pour vous que tout l’esprit supérieur du combat. Brusquement au milieu d’une bataille qui semblait se dérouler pour des besoins spirituels légitimes, vous sentez qu’en réalité on vous a illégalement imposé un simple débat entre vous-même et la douleur, vous-même et la nécessité de vivre, vous-même et le désir de vivre, que tout est là ; que si, simplement vous mourez, il n’y a plus ni bataille, ni patrie, ni droit, ni raison, ni victoire, ni défaite et qu’ainsi on vous fait tout simplement vous efforcer douloureusement vers le néant. Il n’y a pas d’épopée si glorieuse soit-elle qui puisse faire passer le respect de sa gloire avant les nécessités d’un tube digestif. Celui qui a construit l’épopée avec la souffrance de son corps sait que dans ces moments dits de gloire, en vérité, la bassesse occupe le ciel.
Sous le fer de Verdun les soldats tiennent. Pour un endroit que je connais nous tenons parce que les gendarmes nous empêchent de partir. On en a placé des postes jusqu’en pleine bataille, dans les tranchées de soutien, au-dessus du tunnel de Tavannes. Si on veut sortir de là il faut un ticket de sortie. Idiot mais exact ; non pas idiot, terrible. Au début de la bataille, quand quelques corvées de soupe réussissent encore à passer entre le barrage d’artillerie, arrivées là, elles doivent se fouiller les cartouchières et montrer aux gendarmes le ticket signé du capitaine. L’héroïsme du communiqué officiel, il faut ici qu’on le contrôle soigneusement. Nous pouvons bien dire que si nous restons sur ce champ de bataille, c’est qu’on nous empêche soigneusement de nous en échapper. Enfin, nous y sommes, nous y restons ; alors nous nous battons ? Nous donnons l’impression de farouches attaquants ; en réalité nous fuyons de tous les côtés. Nous sommes entre la batterie de l’hôpital, petit fortin, et le fort de Vaux, qu’il nous faut reconquérir. Cela dure depuis dix jours. Tous les jours, à la batterie de l’hôpital, entre deux rangées de sacs à terre, on exécute sans jugement au revolver ceux qu’on appelle les déserteurs sur place. On ne peut pas sortir du champ de bataille, alors maintenant on s’y cache. On creuse un trou, on s’enterre, on reste là. Si on vous trouve on vous traîne à la batterie et, entre deux rangées de sacs à terre, on vous fait sauter la cervelle. Bientôt il va falloir faire accompagner chaque homme par un gendarme. Le général dit « ils tiennent ». A Paris est un historien qui s’apprête à conjuguer à tous les temps et à toutes les personnes (compris la sienne) le verbe « tenir à Verdun ». Ils tiennent, mais, moi général, je ne me hasarderais pas à supprimer les gendarmes ni à conseiller l’indulgence à ce colonel du 52ème d’infanterie qui est à la batterie de l’hôpital. Cela dure depuis quinze jours.

Depuis huit jours les corvées de soupe ne reviennent plus. Elles partent le soir à la nuit noire et c’est fini, elles se fondent comme du sucre dans du café. Pas un homme n’est retourné. Ils ont tous été tués, absolument tous, chaque fois, tous les jours sans aucune exception. On n’y va plus. On a faim. On a soif. On voit là-bas un mort couché par terre, pourri et plein de mouches mais encore ceinturé de bidons et des boules de pain passées dans un fil de fer. On attend. que le bombardement se calme. On rampe jusqu’à lui. On détache de son corps les boules de pain. On prend les bidons pleins. D’autres bidons ont été troués par les balles. Le pain est mou. Il faut seulement couper le morceau qui touchait le corps. Voilà ce qu’on fait tout le jour. Cela dure depuis vingt-cinq jours. Depuis longtemps il n’y a plus de ces cadavres garde-manger. On mange n’importe quoi. Je mâche une courroie de bidon. Vers le soir, un copain est arrivé avec un rat. Une fois écorché, la chair est blanche comme du papier. Mais, avec mon morceau à la main j’attends malgré tout la nuit noire avant de manger. On a une occasion pour demain : une mitrailleuse qui arrivait tout à l’heure en renfort a été écrabouillée avec ses quatre servants à vingt mètres en arrière de nous. Tout à l’heure on ira chercher les musettes de ces quatre hommes. Ils arrivaient de la batterie. Ils doivent avoir emporté à manger pour eux. Mais il ne faudrait pas que ceux qui sont à notre droite n’y aillent avant nous. Ils doivent guetter aussi de dedans leur trou. Nous guettons. L’important c’est que les quatre soient morts. Ils le sont. Tant mieux. Cela dure depuis trente jours.

C’est la grande bataille de Verdun. Le monde entier a les yeux fixés sur nous. Nous avons de terribles soucis. Vaincre? résister? tenir? faire notre devoir? Non. Faire nos besoins. Dehors, c’est un déluge de fer. C’est très simple : il tombe un obus de chaque calibre par minute et par mètre carré. Nous sommes neuf survivants dans un trou. Ce n’est pas un abri, mais les quarante centimètres de terre et de rondins sur notre tête sont devant nos yeux une sorte de visière contre l’horreur. Plus rien au monde ne nous fera sortir de là. Mais ce que nous avons mangé, ce que nous mangeons se réveille plusieurs fois par jour dans notre ventre. Il faut que nous fassions nos besoins. Le premier de nous que ça a pris est sorti ; depuis deux jours il est là, à trois mètres devant nous, mort déculotté. Nous faisons dans du papier et nous le jetons là devant. Nous avons fait dans de vieilles lettres que nous gardions. Nous sommes neuf dans un espace où normalement on pourrait tenir à peine trois serrés. Nous sommes un peu plus serrés. Nos jambes et nos bras sont emmêlés. Quand on veut seulement plier son genou, nous sommes tous obligés de faire les gestes qui le lui permettront. La terre de notre abri tremble autour de nous sans cesse. Sans cesse les graviers, la poussière et les éclats soufflent dans ce côté qui est ouvert vers le dehors. Celui qui est près de cette sorte de porte a le visage et les mains écorchés de mille petites égratignures. Nous n’entendons plus à la longue les éclatements des obus ; nous n’entendons que le coup de masse d’arrivée. C’est un martèlement ininterrompu. Il y a cinq jours que nous sommes là-dedans sans bouger. Nous n’avons plus de papier ni les uns ni les autres. Nous faisons dans nos musettes et nous les jetons dehors. Il faut démêler ses bras des autres bras, et se déculotter, et faire dans une musette qui est appuyée sur le ventre d’un copain. Quand on a fini on passe la saleté à celui de devant, qui la passe à l’autre qui la jette dehors. Septième jour. La bataille de Verdun continue. De plus en plus héros. Nous ne sortons toujours pas de notre trou. Nous ne sommes plus que huit. Celui qui était devant la porte a été tué par un gros éclat qui est arrivé en plein dedans, lui a coupé la gorge et l’a saigné. Nous avons essayé de boucher la porte avec son corps. Nous avons bien fait. Une sorte de tir rasant qui s’est spécialisé depuis quelques heures sur ce morceau de secteur fait pleuvoir sur nous des éclats de recul. Nous les entendons frapper dans le corps qui bouche la porte. Malgré qu’il ait été saigné comme un porc avec la carotide ouverte, il saigne encore-à chacune des ces blessures qu’il reçoit après sa mort. J’ai oublié de dire que depuis plus de dix jours aucun de nous n’a de fusil, ni de cartouches, ni de couteau, ni de baïonnette. Mais nous avons de plus en plus ce terrible besoin qui ne cesse pas, qui nous déchire. Surtout depuis que nous avons essayé d’avaler de petites boulettes de terre pour calmer la faim, et aussi parce que cette nuit il a plu et, et comme nous n’avions pas bu depuis quatre jours, nous avons léché l’eau de la pluie qui ruisselait à travers les rondins et aussi celle qui venait de dehors et qui coulait chez nous par-dessous le cadavre qui bouche la porte. Nous faisons dans notre main. C’est une dysenterie qui coule entre nos doigts. On ne peut même pas arriver à jeter ça dehors. Ceux qui sont au fond essuient leurs mains dans la terre à côté d’eux. Les trois qui sont près de la porte s’essuient dans les vêtements du mort. C’est de cette façon que nous nous apercevons que nous faisons du sang. Du sang épais mais absolument vermeil. Beau. Celui-là a cru que c’était le mort sur lequel il s’essuyait qui saignait. Mais la beauté du sang l’a fait réfléchir.

Il y a maintenant quatre jours que ce cadavre bouche la porte et nous sommes le 9 août, et nous voyons bien qu’il se pourrit. Celui-là avait fait dans sa main droite ; il a passé sa main gauche à son derrière ; il l’a tirée pleine de ce sang frais. Dans le courant de ce jour-là nous nous apercevons tous à tour de rôle que nous faisons du sang. Alors, nous faisons carrément sur place, là, sous nous. J’ai dit que nous n’avons plus d’armes depuis longtemps ; mais, nous avons tous notre quart passé dans une courroie de notre équipement car nous sommes à tous moments dévorés par une soif de feu,et de temps en temps nous buvons notre urine. C’est l’admirable bataille de Verdun.

Deux ans plus tard, au Chemin des Dames, nous nous révolterons (à ce moment-là je survivais seul de ces huit derniers) pour de semblables ignominies. Pas du tout pour de grands motifs, pas du tout contre la guerre, pas du tout pour donner la paix à la terre, pas du tout pour de grands mots d’ordre, simplement parce que nous en avons assez de faire dans notre main et de boire notre urine. Simplement parce qu’au fond de l’armée, l’individu a touché l’immonde.

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Le 19/09/2017 à 18:09, RegAgainstZeMarasme a dit :

Un texte qui fait frémir, de Giono

 

Vous ne tarderez pas à comprendre que ces petites choses matérielles sales et basses ont beaucoup plus d’importance pour vous que tout l’esprit supérieur du combat. Brusquement au milieu d’une bataille qui semblait se dérouler pour des besoins spirituels légitimes, vous sentez qu’en réalité on vous a illégalement imposé un simple débat entre vous-même et la douleur, vous-même et la nécessité de vivre, vous-même et le désir de vivre, que tout est là ; que si, simplement vous mourez, il n’y a plus ni bataille, ni patrie, ni droit, ni raison, ni victoire, ni défaite et qu’ainsi on vous fait tout simplement vous efforcer douloureusement vers le néant. Il n’y a pas d’épopée si glorieuse soit-elle qui puisse faire passer le respect de sa gloire avant les nécessités d’un tube digestif. Celui qui a construit l’épopée avec la souffrance de son corps sait que dans ces moments dits de gloire, en vérité, la bassesse occupe le ciel.
Sous le fer de Verdun les soldats tiennent. Pour un endroit que je connais nous tenons parce que les gendarmes nous empêchent de partir. On en a placé des postes jusqu’en pleine bataille, dans les tranchées de soutien, au-dessus du tunnel de Tavannes. Si on veut sortir de là il faut un ticket de sortie. Idiot mais exact ; non pas idiot, terrible. Au début de la bataille, quand quelques corvées de soupe réussissent encore à passer entre le barrage d’artillerie, arrivées là, elles doivent se fouiller les cartouchières et montrer aux gendarmes le ticket signé du capitaine. L’héroïsme du communiqué officiel, il faut ici qu’on le contrôle soigneusement. Nous pouvons bien dire que si nous restons sur ce champ de bataille, c’est qu’on nous empêche soigneusement de nous en échapper. Enfin, nous y sommes, nous y restons ; alors nous nous battons ? Nous donnons l’impression de farouches attaquants ; en réalité nous fuyons de tous les côtés. Nous sommes entre la batterie de l’hôpital, petit fortin, et le fort de Vaux, qu’il nous faut reconquérir. Cela dure depuis dix jours. Tous les jours, à la batterie de l’hôpital, entre deux rangées de sacs à terre, on exécute sans jugement au revolver ceux qu’on appelle les déserteurs sur place. On ne peut pas sortir du champ de bataille, alors maintenant on s’y cache. On creuse un trou, on s’enterre, on reste là. Si on vous trouve on vous traîne à la batterie et, entre deux rangées de sacs à terre, on vous fait sauter la cervelle. Bientôt il va falloir faire accompagner chaque homme par un gendarme. Le général dit « ils tiennent ». A Paris est un historien qui s’apprête à conjuguer à tous les temps et à toutes les personnes (compris la sienne) le verbe « tenir à Verdun ». Ils tiennent, mais, moi général, je ne me hasarderais pas à supprimer les gendarmes ni à conseiller l’indulgence à ce colonel du 52ème d’infanterie qui est à la batterie de l’hôpital. Cela dure depuis quinze jours.

Depuis huit jours les corvées de soupe ne reviennent plus. Elles partent le soir à la nuit noire et c’est fini, elles se fondent comme du sucre dans du café. Pas un homme n’est retourné. Ils ont tous été tués, absolument tous, chaque fois, tous les jours sans aucune exception. On n’y va plus. On a faim. On a soif. On voit là-bas un mort couché par terre, pourri et plein de mouches mais encore ceinturé de bidons et des boules de pain passées dans un fil de fer. On attend. que le bombardement se calme. On rampe jusqu’à lui. On détache de son corps les boules de pain. On prend les bidons pleins. D’autres bidons ont été troués par les balles. Le pain est mou. Il faut seulement couper le morceau qui touchait le corps. Voilà ce qu’on fait tout le jour. Cela dure depuis vingt-cinq jours. Depuis longtemps il n’y a plus de ces cadavres garde-manger. On mange n’importe quoi. Je mâche une courroie de bidon. Vers le soir, un copain est arrivé avec un rat. Une fois écorché, la chair est blanche comme du papier. Mais, avec mon morceau à la main j’attends malgré tout la nuit noire avant de manger. On a une occasion pour demain : une mitrailleuse qui arrivait tout à l’heure en renfort a été écrabouillée avec ses quatre servants à vingt mètres en arrière de nous. Tout à l’heure on ira chercher les musettes de ces quatre hommes. Ils arrivaient de la batterie. Ils doivent avoir emporté à manger pour eux. Mais il ne faudrait pas que ceux qui sont à notre droite n’y aillent avant nous. Ils doivent guetter aussi de dedans leur trou. Nous guettons. L’important c’est que les quatre soient morts. Ils le sont. Tant mieux. Cela dure depuis trente jours.

C’est la grande bataille de Verdun. Le monde entier a les yeux fixés sur nous. Nous avons de terribles soucis. Vaincre? résister? tenir? faire notre devoir? Non. Faire nos besoins. Dehors, c’est un déluge de fer. C’est très simple : il tombe un obus de chaque calibre par minute et par mètre carré. Nous sommes neuf survivants dans un trou. Ce n’est pas un abri, mais les quarante centimètres de terre et de rondins sur notre tête sont devant nos yeux une sorte de visière contre l’horreur. Plus rien au monde ne nous fera sortir de là. Mais ce que nous avons mangé, ce que nous mangeons se réveille plusieurs fois par jour dans notre ventre. Il faut que nous fassions nos besoins. Le premier de nous que ça a pris est sorti ; depuis deux jours il est là, à trois mètres devant nous, mort déculotté. Nous faisons dans du papier et nous le jetons là devant. Nous avons fait dans de vieilles lettres que nous gardions. Nous sommes neuf dans un espace où normalement on pourrait tenir à peine trois serrés. Nous sommes un peu plus serrés. Nos jambes et nos bras sont emmêlés. Quand on veut seulement plier son genou, nous sommes tous obligés de faire les gestes qui le lui permettront. La terre de notre abri tremble autour de nous sans cesse. Sans cesse les graviers, la poussière et les éclats soufflent dans ce côté qui est ouvert vers le dehors. Celui qui est près de cette sorte de porte a le visage et les mains écorchés de mille petites égratignures. Nous n’entendons plus à la longue les éclatements des obus ; nous n’entendons que le coup de masse d’arrivée. C’est un martèlement ininterrompu. Il y a cinq jours que nous sommes là-dedans sans bouger. Nous n’avons plus de papier ni les uns ni les autres. Nous faisons dans nos musettes et nous les jetons dehors. Il faut démêler ses bras des autres bras, et se déculotter, et faire dans une musette qui est appuyée sur le ventre d’un copain. Quand on a fini on passe la saleté à celui de devant, qui la passe à l’autre qui la jette dehors. Septième jour. La bataille de Verdun continue. De plus en plus héros. Nous ne sortons toujours pas de notre trou. Nous ne sommes plus que huit. Celui qui était devant la porte a été tué par un gros éclat qui est arrivé en plein dedans, lui a coupé la gorge et l’a saigné. Nous avons essayé de boucher la porte avec son corps. Nous avons bien fait. Une sorte de tir rasant qui s’est spécialisé depuis quelques heures sur ce morceau de secteur fait pleuvoir sur nous des éclats de recul. Nous les entendons frapper dans le corps qui bouche la porte. Malgré qu’il ait été saigné comme un porc avec la carotide ouverte, il saigne encore-à chacune des ces blessures qu’il reçoit après sa mort. J’ai oublié de dire que depuis plus de dix jours aucun de nous n’a de fusil, ni de cartouches, ni de couteau, ni de baïonnette. Mais nous avons de plus en plus ce terrible besoin qui ne cesse pas, qui nous déchire. Surtout depuis que nous avons essayé d’avaler de petites boulettes de terre pour calmer la faim, et aussi parce que cette nuit il a plu et, et comme nous n’avions pas bu depuis quatre jours, nous avons léché l’eau de la pluie qui ruisselait à travers les rondins et aussi celle qui venait de dehors et qui coulait chez nous par-dessous le cadavre qui bouche la porte. Nous faisons dans notre main. C’est une dysenterie qui coule entre nos doigts. On ne peut même pas arriver à jeter ça dehors. Ceux qui sont au fond essuient leurs mains dans la terre à côté d’eux. Les trois qui sont près de la porte s’essuient dans les vêtements du mort. C’est de cette façon que nous nous apercevons que nous faisons du sang. Du sang épais mais absolument vermeil. Beau. Celui-là a cru que c’était le mort sur lequel il s’essuyait qui saignait. Mais la beauté du sang l’a fait réfléchir.

Il y a maintenant quatre jours que ce cadavre bouche la porte et nous sommes le 9 août, et nous voyons bien qu’il se pourrit. Celui-là avait fait dans sa main droite ; il a passé sa main gauche à son derrière ; il l’a tirée pleine de ce sang frais. Dans le courant de ce jour-là nous nous apercevons tous à tour de rôle que nous faisons du sang. Alors, nous faisons carrément sur place, là, sous nous. J’ai dit que nous n’avons plus d’armes depuis longtemps ; mais, nous avons tous notre quart passé dans une courroie de notre équipement car nous sommes à tous moments dévorés par une soif de feu,et de temps en temps nous buvons notre urine. C’est l’admirable bataille de Verdun.

Deux ans plus tard, au Chemin des Dames, nous nous révolterons (à ce moment-là je survivais seul de ces huit derniers) pour de semblables ignominies. Pas du tout pour de grands motifs, pas du tout contre la guerre, pas du tout pour donner la paix à la terre, pas du tout pour de grands mots d’ordre, simplement parce que nous en avons assez de faire dans notre main et de boire notre urine. Simplement parce qu’au fond de l’armée, l’individu a touché l’immonde.

Comment est enseignée la première guerre mondiale aujourd'hui (niveau collège-lycée)? Je me rappelle vaguement du terme de "génération sacrifiée" ou encore que Verdun avait été une boucherie, mais pas plus que ça au final, et sans analyse très poussée. Une critique du rôle des décideurs de l'époque (quel que soit le côté de la ligne de front) dans la poursuite de ces batailles inutiles ou tout simplement de la guerre est-elle faite ? Ou l'aspect glorieux de la guerre et de la défense de la patrie (qui ne transparait pas franchement dans ce poignant témoignage) est-il encore d'actualité ?

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  • 2 semaines plus tard...

le site dispropaganda . com c'est un peu un gorafi anglophone, on y voit leur prévision de ce que pourrait être l'europe en 2022, y a de l'idée.

un peu dans la même veine, je pourrais dire:

une Europe généreuse, ça serait des pays généreux. ainsi par exemple,

l’Albanie qui rend le Kosovo à la Serbie,

l’Autriche qui décide d’offrir quelques beaux quartiers de Vienne à ses amis, à savoir la Russie, l’Italie, l’Allemagne, la France.

l’Allemagne offre des BMW aux footballeurs du TFC, des Volkswagen aux rugbymen du RC Toulon, des Porsche aux enfants des patrons du CAC40, des Audi aux douaniers belges, …

le grand Bruxelles décide une fois de devenir une ville-état comme Singapour, et donc offre la partie nord de la Belgique aux Pays-Bas et la partie sud de la Belgique à la France.

l’Espagne permet à Barcelone et à Perpignan de fusionner, et cette union catalane sera soit indépendante, soit et c’est plus logique, rattachée à la France. par ailleurs, l’Espagne offre les Baléares à la Syrie et aux niqabs.

la France offre à l’Italie Nice, la Savoie et la Corse, à l’Allemagne Strasbourg et Belfort, à la Grande-Bretagne Bordeaux, Périgueux et surtout Calais. par ailleurs, la France permet enfin à la Chine de prendre possession de la Nouvelle-Calédonie et d’en faire un gigantesque camp de travail.

la Grèce permet à la Macédoine centrale de se rapprocher de la

Macédoine Est (turcophile) et de la Macédoine Ouest (serbophile). la Grèce offre à la Turquie les îles de Kos, Chio et Kalimnos, en échange les habitants de ces îles pourront aller dans les beaux quartiers de Smyrne, de Kusadasi, d’Antalya et d’Ankara.

la Hongrie demande aux habitants de la Vojvodine de prendre l’habitude d’utiliser la langue serbe.

l’Islande, au moins une fois par décennie, offre des cendres de volcan. les cendres de volcan ça fait rire les avions, ça fait …

l’Italie offre des toges romaines et des péplums aux petits jeunes amiénois qui se prennent pour Jupiter.

la Lituanie accepte d’arrêter de balancer d’innombrables ballons de basket sur l’Angleterre.

les Pays-Bas permettent aux moluquois d’exprimer par référendum leur désir de redevenir néerlandais, et une fois l’opération réalisée, les Pays-Bas offrent les Moluques à la Chine, et ce territoire deviendra territoire chinois sous protectorat indonésien.

la Pologne rend à l’Allemagne quelques-uns de ses territoires comme la Silésie.

le Portugal envoie en Chine quelques centaines d’enseignants, et ainsi dans quelques décennies tous les bacheliers de Chine continentale seront capables de communiquer en portugais.

le Royaume-Uni rend New York-Nouvelle Amsterdam aux néerlandais, et retire ses soldats de Chypre, les bases militaires britanniques de Chypre pourront être attribuées à qui en voudra, les turcs, les italiens, les russes, les grecs, les chinois, etc.

la Serbie offre la Slovénie à l’Autriche.

la Suisse permet enfin un rapprochement culturel entre le Liechtenstein et l’Autriche.

la Turquie autorise la réunification de Chypre.

l’Ukraine cède à la Russie l’est de Louhansk.

enfin l’URVSS (union des royaumes de Vladimir Soutine-Staline) rend la Crimée à l’Ukraine, rend à la Pologne une partie des territoires volés en 1945, et arrête de convoiter le Sud de l’Italie en acceptant de laisser ce territoire à la mafia américaine et à son parrain don Diego de la guitare magique.

 -

un grand degré de générosité serait que la France offre à la Suisse deux départements : le 01 et le 39, au Luxembourg quatre départements (les quatre lorrains), à la Belgique quatre départements : les départements 02 , 08, 51 et 62, à l’Irlande cinq départements (les cinq bretons), à l’Allemagne quatorze départements : les trois alsaciens, les quatre bourguignons, les départements 10, 25, 42, 52, 69, 70, ainsi que la Guyane, à l’Italie seize départements : les 11, 34, 30, 07, 38, 73, 74, et tout ce qui est à l’est de cette ligne, à savoir 04, 05, 06, 13, 20, 26, 83 et 84, et enfin au Royaume-Uni cinquante-six départements.

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  • 1 an plus tard...

l'esclavage était légal en Arabie au milieu du 20ème siècle,

et était largement pratiqué à Alger en 1815 

mais un pays, qu'on peut situer en Europe de l'Ouest, a interdit l'esclavage dès 1537, pays dont le drapeau a changé de couleurs au 19ème siècle

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Il y a 2 heures, sujet a dit :

l'esclavage était légal en Arabie au milieu du 20ème siècle,

et était largement pratiqué à Alger en 1815 

mais un pays, qu'on peut situer en Europe de l'Ouest, a interdit l'esclavage dès 1537, pays dont le drapeau a changé de couleurs au 19ème siècle

C était juste un texte disant que l esclavage c était mal et dans les faits c'est different -_-

https://www.marianne.net/societe/les-nonnes-du-vatican-denoncent-leurs-conditions-de-travail-proches-de-l-esclavage

 

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