Les riches jouent les pauvres, et les pauvres jouent les riches, et personne n'y arrive, personne n'y arrive bien. Ce qu'il nous montre, c'est qu'on est complètement prisonniers de notre condition sociale. Et que quand on est riches pendant 20 ans, pauvres pendant 20 ans, on peut toujours se mettre en haillons quand on est riche, et puis en robe de haute couture quand on est pauvre, on se débarasse pas d'un langage, d'un certain type de sujet de conversation, d'une manière de s'exprimer, de se tenir qui indique d'où on vient. Et d'ailleurs, ça s'appelle "Le jeu de l'amour et du hasard", mais il nous montre qu'il n'y a pas de hasard . Les riches tombent amoureux de qui dans la pièce? Des riches. Et les pauvres, ils tombent amoureux de qui dans la pièce? Des pauvres. Donc ils se reconnaissent malgré leurs déguisements. Et ils tombent amoureux au sein de leur même classe sociale. Donc il n'y a pas de hasard, mais il n'y a pas non plus d'amour. L'amour on entend habituellement, c'est à dire l'amour pur. Normalement, on tombe amoureux d'un être, un être pur, le moi profond, pas tout ce qu'il y a aux alentours. Ben non nous dit Marivaux, on est conditionnés, complètement conditionnés par son milieu d'origine. Et on reste entre soi, et on peut toujours se déguiser, on n'échappe pas à sa condition d'origine. Donc quand vous devez jouer les riches et les pauvres... qui joue les pauvres et les riches? Y'a des moments où ils y arrivent, mais pas vraiment, ils restent toujours des traces de cette condition puis y'a des moments où ils y arrivent pas du tout : il y a les vieux réflèxes qui viennent.
Mais Madame, c'est imité quand même.
Oui, c'est imité, mais c'est imité, ça n'est qu'imité, tu comprends ou pas? Arlequin et Lisette se reconnaissent, donc même l'amour, le sentiment soi-disant le plus pur qu'il soit, il est influencé par l'origine sociale.