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Jean-François Domergue


Doberman

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  • 6 ans plus tard...
il y a 6 minutes, PatMan a dit :

« Vous entrez en jeu lors du premier match, face au Danemark (1-0), en raison de faits de jeu. Pouvez-vous nous les raconter ?
J'entre face aux Danois après la blessure d'Yvon Le Roux. Il était dans l'axe avec Max (Bossis), Manu (Amoros) était à gauche, Patrick (Battiston) à droite et Michel Hidalgo me demande d'aller m'échauffer car Yvon sent une gêne à une cuisse. Je suis donc entré au marquage d'Elkjaer-Larsen, l'attaquant de Vérone. Vient ensuite la connerie de Manu (un coup de tête au Danois Jesper Olsen), qui prend un rouge et trois matches de suspension. Je dois donc ma place de titulaire, sur les matches suivants, à une blessure, une suspension, et à la confiance d'Hidalgo, qui m'avait, je pense, sélectionné pour ma polyvalence. Je pouvais jouer dans l'axe et arrière gauche.

Avant cela, vous ne comptiez qu'une sélection...

J'étais déjà très content d'être dans le groupe France. En préparation, à Font- Romeu, j'étais à 200 %. La vie collective était extrêmement simple. On jouait aux cartes, les différentes personnalités te mettaient à l'aise. J'étais heureux d'être là et n'envisageais pas un tel Euro.

Vous êtes donc titulaire en demies, face au Portugal.
(Il sourit.)
Oui, mais avant ça il y a eu le premier match que j'ai débuté, à Nantes, face à la Belgique (5-0). Le plus abouti. Après on a eu la Yougoslavie (3-2). Puis ce 23 juin, je suis de nouveau titulaire, le jour de mon anniversaire (27 ans), pour une demi-finale contre le Portugal, eh ouais !

Vous ouvrez la marque sur coup franc, exercice favori de Platini. Comment en êtes-vous arrivé à le tirer ?
C'est long à raconter, mais ça se passe très vite ! L'arbitre, M. Bergamo, siffle une faute sur Michel, qui se plaint d'un genou. Il prend le ballon et essaie de le poser un peu plus dans l'axe... Bergamo lui dit : "Non, non, Michel. Tu remets le ballon à 1,50 m sur la droite". Gigi (Giresse), Michel (Platini), Patrick (Battiston), Yvon et moi sommes près du ballon. Je le touche car il est plutôt placé pour un gaucher. Et là, Gigi glisse aux autres : "Doudou les tire à Toulouse, et depuis longtemps !" Je retouche le ballon, je reste focus sur celui-ci, je prends mon élan comme si j'allais le frapper. Je dis : "Je le sens" et Michel me dit : "Vas-y !". Il avait vu qu'il y avait une ouverture. Je le prends comme je le faisais souvent en club : du cou-de-pied mais un peu de l'extérieur, pied gauche, en bloquant ma cheville. Bento fait un pas sur sa gauche car il s'attendait, je pense, à ce que Michel s'en charge. J'ai mis une frappe puissante dans sa lucarne droite.

L'apothéose ?

Magique. Tout le monde me félicite, je me souviens de Jeannot (Tigana), Gigi, Michel, Bernard (Lacombe)... Ce dernier me dit "pense à ton père", c'est tout lui. Quelqu'un de très famille avec qui j'ai vécu plein de choses à Bordeaux. Cette phrase m'a marqué. Ça reste le moment le plus exceptionnel de ma carrière en termes de sensations.

Que pensez-vous quand Jordao égalise (74e) puis redonne l'avantage aux Portugais en prolongation ?
Déjà, je suis un peu fautif sur son premier but. Je suis bien placé, mais je pense qu'il est derrière moi. Il prend le ballon de la tête et égalise. Sur le second, Chalana me dribble. J'étais sûr qu'il allait centrer du gauche. Je l'amène pour le contrer quand il rentre intérieur, mais il me crochète et centre du droit. Jordao reprend de volée et redonne l'avantage au Portugal avec beaucoup de réussite.

« Michel m'a dit : "T'es le seul joueur que j'aie vu tenter
un une-deux avec Yvon (Le Roux)" »

Plusieurs de vos coéquipiers avaient connu Séville, deux ans plus tôt...

On se dit qu'on ne peut pas passer à côté. Jeannot parle, gueule, nous fait réfléchir : "On n'a pas le droit de se louper ici, il faut se bouger !". Je n'ai absolument pas douté, les autres non plus. Hormis Michel, arrivé plus tard à Font-Romeu, nous avions tous suivi une excellente préparation. J'enchaînais les allers-retours et j'avais le volume pour continuer à pousser.

Vous avez vu juste...
À 5 minutes de la fin de la prolongation, Max (Bossis) me décale. Je m'appuie sur Yvon Le Roux, pour faire un une-deux, mais il tente une frappe. Contrée. Je continue ma course, le ballon va dans l'espace de Michel qui s'effondre, et je suis là, derrière, pour mettre un plat du pied gauche et battre Bento. Après le match, Michel me dit : "Tu es le seul joueur que j'aie vu tenter un une-deux avec Yvon. Il ne va jamais te remettre le ballon mais pivoter et tirer !" Mais sur le moment, on revient à 2-2.

Un véritable soulagement ?
La sensation est très différente de celle du premier but. Je me dis : "Ça y est, j'égalise, mais ce n'est pas fini". Dans le même temps, Tigana parle : "On a déjà perdu aux tirs au but en Espagne, on ne va pas lancer une série !"

Et vous l'avez fait, à une minute de la séance de tirs au but...
Luis (Fernandez) récupère un ballon alors que l'arbitre de touche lève son drapeau pour un hors-jeu portugais. M. Bergamo nous laisse l'avantage. Luis percute, s'arrache, donne le ballon à Jean (Tigana) qui réalise un exploit, technique et athlétique. Il centre un peu dans le dos de Michel (Platini) qui, je pense, est le seul joueur capable de faire un contrôle en sachant où il va la mettre alors qu'il y a trois ou quatre Portugais devant lui. Il donne l'impression d'avoir le temps, mais je vous assure que ça va vite dans sa tête, très vite. Ses qualités techniques et instinctives se sont exprimées. Ça fait 3-2 et on est en finale.

Quelle place occupait Platini dans le groupe ?
Il y avait Michel et les autres, mais il était toujours tourné vers le groupe. À l'époque, on n'avait pas d'analyse vidéo, on regardait juste des cassettes. Avant ou après dîner, on se réunissait dans un salon pour regarder l'adversaire. Aux manettes, c'était Michel (rires). Quand un match était moyen, il le passait en vitesse rapide. On pouvait disséquer une partie en 15-20 minutes maximum. La première fois que j'ai vu ça, j'étais mort de rire. Je me suis dit : "Putain, il fait ce qu'il veut !". Mais c'était un grand leader.

Faisait-il vraiment ce qu'il voulait ?
On a souvent dit qu'il faisait l'équipe avec Hidalgo. Ce sont les gens et la presse qui ont inventé cela. En revanche, à son arrivée à Font-Romeu, un médecin a voulu lui faire passer un test d'effort que tout le groupe avait déjà fait à fond. Il est monté sur le vélo et a dit : "Non, non, je ne le fais pas". Et il est parti. Le professeur s'est plaint mais ça ne servait à rien (rires).

Il vous impressionnait ?
Oui, par son regard. Il est charismatique. Quand tu es dans le vestiaire et qu'il te parle, c'est quand même marquant. Tu es content. Tu te dis : "Michel Platini m'a dit ci ou ça, c'est quand même pas n'importe qui !" On jouait tous en France, Six évoluait à Stuttgart, mais Michel était le premier à aller en Italie.

« Même quarante ans plus tard, quand on se retrouve et qu'on se regarde, il y a quelque chose qui passe »

Michel Platini est-il le meilleur footballeur avec lequel vous ayez joué ?
Oui. Michel, Alain Giresse... Dans un autre registre, Jean Tigana. Par leur talent, leur intelligence et leur vision du jeu. Ils feraient certainement les mêmes différences aujourd'hui. Ils savaient tout faire.

Qui est la star de ce France-Portugal ? Platini, Tigana, vous ?
On n'a jamais été tournés vers le "je". J'ai regretté de ne pas avoir été là en 1986, mais cette génération (1982-84-86) a marqué les esprits car le partage et les valeurs collectives passaient avant tout. Le "nous" était le dénominateur commun. Cette génération a une histoire. Moi je n'en ai qu'une et celle-ci se termine bien. Même quarante ans plus tard, quand on se retrouve et qu'on se regarde, il y a quelque chose qui passe. C'est ça le foot et c'est ce qui est chouette.

Vous avez toujours votre maillot de cette demi-finale ?
Je l'ai gardé, bien sûr. Michel avait aussi institué une chose : après chaque rencontre, il remettait le fanion échangé avec le capitaine adverse au joueur qu'il considérait "homme du match". J'ai toujours celui de France-Portugal !

Hidalgo avait annoncé qu'il ne s'interdisait pas de vous aligner avec Amoros en finale. Savez-vous pourquoi cela ne s'est pas fait ?
Non. Mais il m'avait dit qu'il ne pouvait pas m'enlever du onze après la demie. Manu ne démarre pas et, à un quart d'heure de la fin, Battiss' demande à sortir. Il s'assoit sur le banc et Manuel entre. Hidalgo lui demande s'il est blessé et Patrick lui répond : "Non, non, je voulais que Manu participe". Hidalgo était comme un fou ! Ce n'était pas le moment de faire ce genre de chose, mais c'était un beau clin d'oeil à Manu. Ça représente bien ce groupe. »

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