Un commentaire désabusé...
Le Roi danse
23/07/2004
Par SYLVAIN LABBE
De Sports.fr
Incroyable épisode que celui qui aura animé vendredi les premiers kilomètres de course de la 18e étape du Tour de France. Vingt-quatre heures après son impitoyable mais légitime retour, à certains égards, sur Andreas Klöden sur la ligne d'arrivée du Grand-Bornand, Lance Armstrong s'est offert un numéro de souverain absolu en interdisant un bon de sortie à l'Italien Filippo Simeoni, coupable aux yeux de l'Américain de lui avoir tenu tête dans l'affaire du Dr Ferrari. Effarant!
Et Armstrong passa à l'attaque...
Et maintenant, il a droit de vie et de mort sur le peloton. Après le Lance Armstrong insatiable, transformé en cannibale avide de la plus petite victoire d'étape pour grossir le butin de ce sixième sacre annoncé dimanche sur les Champs-Elysées, le Tour de France a fait connaissance vendredi sur les routes du Jura avec un Armstrong tout à coup capable du pire pour soumettre et humilier un Simeoni simplement décidé à tenter sa chance dans l'échappée du jour.
Il est un peu plus de 13 heures vendredi quand tout le peloton, à peine secoué par une grappe de fuyards lancés aux avants-postes dès les premiers kilomètres, croit bien tomber à la renverse. Là, en tête, Lance Armstrong en personne a choisi de prendre en chasse en personne un anonyme décidé à rejoindre les six hommes échappés en tête. Quelle mouche peut bien piquer alors l'Américain censé alors couler une journée des plus tranquilles avant de croquer le chrono de Besançon?
Armstrong a dit non
La cible du Seigneur du Tour? Un certain Filippo Simeoni, gregario parmi tant d'autres au sein du peloton, sans-grade orphelin de Mario Cipollini au sein de la Domina Vacanze mais surtout coureur devenu célèbre pour s'être opposé à sa majesté Armstrong en personne. Un Armstrong contre lequel le Transalpin a eu le courage de porter plainte pour diffamation après que ce dernier, mécontent du repentir de Simeoni mettant en cause son bon Dr Ferrari, avait mis en doute la valeur des propos. Invraisemblable scénario que celui d'un leader du Tour incontestable et incontesté, s'exposant inutilement pour interdire ni plus ni moins à un coureur d'accomplir son métier.
Simeoni peut bien lever les bras au ciel et maudire le postier US calé dans sa roue. Armstrong a dit non. Et l'Américain pousse son effort pour mieux faire entende raison à cet insolent sujet. Revenus sur les six échappés, ce curieux attelage va s'expliquer. Et Armstrong, du haut de sa superbe, expliquer sa façon de penser à celui qui a osé se poser en travers de son chemin. Au royaume du Tour d'Armstrong, on courbe l'échine et on se soumet.
Derrière, en revanche, la panique est totale au sein d'un peloton médusé devant l'attitude du patron devenu au fil des jours de plus en plus monarque absolu. D'autant que l'écart des échappés grimpe désormais en flèche pour atteindre les 2'20! Et les T-Mobile d'éprouver alors toutes les peines à organiser une chasse digne de ce nom derrière ce fuyard pas comme les autres.
Panique derrière et sérieux coup de grisou parmi les échappés où l'on imagine l'effet de surprise quand le maillot jaune a pointé à l'horizon pour s'inviter à la fête. Perplexité, puis vrai coup de gueule des fuyards, à l'image de Garcia Accosta, rejoints et dont l'entreprise prenait du plomb dans l'aile avec un comparse de virée aussi encombrant. L'inspiration douteuse d'Armstrong avait fait naître parmi les hommes de tête un sentiment de colère bien légitime. Mais à quoi joue donc l'Américain?
Au milieu des bouffons...
Est-ce un soudain retour à la raison, la soumission délibérée d'un Simeoni ou le rappel à l'ordre de Johann Bruyneel depuis sa voiture, toujours est-il que le leader du classement général allait se relever, accompagné par un Simeoni mortifié pour réintégrer le peloton pas mécontent de voir son maître retrouver sa place en son sein. Le Tour avait repris un visage acceptable.
Pourtant, l'attitude des uns et des autres ne trompait pas. Oui, le peloton venait de vivre un événement majeur qui pourrait bien marquer la sixième couronne de l'Américain. Un Armstrong qui, plus facile que jamais, allait, comme pour mieux accentuer l'impression d'omnipotence, passer en revue un peloton où pas une critique sur cet épisode rocambolesque, ne semblait devoir naître. Echange de sourires complices avec Ullrich et Bettini, retour en queue de peloton: le seigneur, après avoir soumis l'un des siens au supplice, avait retrouvé sa cour. Au milieu de ses bouffons, Armstrong s'amusait...
