Alberto Contador (Photo L'Equipe) a réussi à conserver la tête du classement général samedi après une âpre résistance face à Cadel Evans et son coéquipier Levi Leipheimer lors du dernier contre-la-montre. Quelques minutes après avoir reçu un nouveau Maillot Jaune, l'Espagnol «relâche la pression» et met en perspective sa victoire : «Je sais que je reviens de loin ». S'il a détaillé l'exemple que représente Lance Armstrong et le rôle décisif de son compagnon de chambre Benjamin Noval, il n'a pu éviter de nombreuses questions sur le dopage. « Aujourd'hui, plus on est haut, plus on est soupçonné, a-t-il estimé. C'est vraiment dommage ».
« Alberto Contador, quel est votre état d'esprit à la veille de remporter le Tour de France ?
Je sais que je reviens de loin. Il y a deux ans, j'étais à l'hôpital à cause d'un oedème cérébral et j'espérais seulement pouvoir mener à nouveau une vie normale. J'ai été opéré, et vous pouvez en voir les traces. (Il montre une cicatrice sur le crâne). J'ai pu reprendre la compétition et aujourd'hui être en tête du Tour, c'est inimaginable.
Avez-vous conscience de votre performance ?
Maintenant, je peux enfin relâcher la pression. Cette journée a été éprouvante. Ce que j'ai accompli est le résultat de plusieurs années de travail et je vais pouvoir prendre du temps pour réaliser ce qui m'arrive. Une partie de ma victoire revient à mes supporters et aux gens de Madrid. Ils m'ont toujours encouragé. Ce sport n'a pas l'importance du football en Espagnol, mais il est populaire. J'ai hâte de pouvoir rentrer chez moi pour fêter ma victoire.
Avez-vous connu des moments de doute pendant le contre-la-montre entre Cognac et Angoulême ?
Il y a eu un moment à trente kilomètres de l'arrivée où j'ai été un peu inquiet. Ma voiture m'a donné un temps intermédiaire qui ne me donnait plus que 38 secondes d'avance, mais ensuite les temps étaient plus rassurants. A quatre kilomètres de l'arrivée, j'avais encore 35 secondes de marge, je savais que c'était gagné. J'ai tout donné jusqu'à la fin et gardé 23 secondes d'avance sur la ligne. Cela a été très difficile.
Comme Lance Armstrong, tu as frôlé la mort. A-t-il été une source d'inspiration pour toi ?
C'est vrai que son histoire m'a servi de motivation. Quand j'étais à l'hôpital, j'ai lu son livre et cela m'a aidé à revenir. Au-delà des similitudes entre nous, il y a une différence fondamentale : il a gagné le Tour sept fois, et moi j'en suis à ma première victoire. (Sur le rôle de l'Américain samedi). J'ai su qu'il serait là lors de l'étape de l'Aubisque. Il ne m'a rien dit personnellement lors du chrono mais quand Johann Bruynel me parlait, j'entendais sa voix derrière lui.
Quel est le rôle de ton coéquipier et compagnon de chambre Benjamin Noval Fernandez ?
On a passé tout ce Tour ensemble. Après les journées difficiles, on regardait des films ensemble sur l'ordinateur et on s'endormait comme des enfants. Hier soir (vendredi soir), on a encore regardé un film. A un moment, il s'est tourné vers moi pour demander : "Eux, ce sont des gentils ou des méchants?" Et il a vu que je dormais. J'arrive bien à supporter la pression, c'est une situation qui m'est déjà arrivée dans d'autres courses.
Quelle a été ta réaction après le départ du Maillot Jaune Michael Rasmussen ?
Cela a été une journée difficile, d'abord une surprise. C'est un sentiment étrange de prendre le maillot de leader en dehors des conditions de course. J'avais tout tenté lors de l'étape de l'Aubisque mais je n'avais pas réussi sur la route. Je me suis quand même retrouvé en Jaune et je me suis employé pour défendre ce maillot.
Ce Tour a été agité par les affaires de dopage. Pouvez-vous expliquer pourquoi votre nom apparaissait dans l'affaire Puerto ?
Cela a été un Tour fou, plus que je n'aurais souhaité. J'étais dans la mauvaise équipe, Liberty Seguros, au mauvais moment. Mon nom est sorti juste avant le départ du Tour (2006) mais l'UCI a rectifié presque aussitôt en expliquant qu'il s'agissait d'une erreur.
Les initiales A.C. apparaissent pourtant dans le dossier. Pouvez-vous assurer que vous n'êtes pas impliqué ?
Oui.
Etes-vous prêt à subir un prélèvement d'ADN pour prouver votre innocence ?
Je pense que cela serait injuste mais si cela s'avère nécessaire, je le ferai.
Pourquoi ne pas le faire maintenant ?
Je suis innocent, ce n'est pas à moi de prouver mon innocence. (Au journaliste qui a posé la question). Qu'est-ce que je dois faire ? Faire un prélèvement et te le donner ?
Comprenez-vous qu'un climat de suspicion entoure votre performance ?
Aujourd'hui, plus on est haut, plus on est soupçonné. Moi, je suis en tête du Tour et donc je suis particulièrement visé. C'est vraiment dommage, mais bon, je m'en remets aux contrôles anti-dopage.
Envisagez-vous de devenir le porte-parole de la nouvelle génération dans la lutte contre le dopage ?
Ce Tour était un peu fou, avec tous ces problèmes entre l'UCI, ASO (organisateur de l'épreuve) et les équipes. Nous devons parler pour travailler ensemble de la meilleure des manières. J'espère qu'à l'avenir, les scandales seront moins nombreux pour qu'on puisse davantage de sport. Le cyclisme est tellement beau. Nous devons continuer pour le public. »