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Dans l'angle mort des aides publiques, la restauration aérienne en mode survie
Newrest et Servair, deux géants mondiaux du "catering", sont pour l'instant passés au travers des mailles du filet des aides publiques. Leur existence ne tient plus qu'à un fil.
Partir de rien, monter un petit empire et assister à sa chute. C'est, malheureusement, souvent le lot des entrepreneurs. À 50 ans, Olivier Sadran, le fondateur de Newrest, a bien peur que ce soit son tour. Le Toulousain, qui vient par ailleurs de céder cet été la majorité de ses parts dans le club de football de la Ville Rose, assiste, impuissant, à l'effondrement du trafic aérien. Et donc au crash en direct de son activité. En trente ans, il avait pourtant fait d'une modeste société, qui fournissait des repas pour les ouvriers du métro toulousain, un leader mondial de la restauration aérienne et ferroviaire, pesant 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires, et employant 34 000 personnes à travers 58 pays ! L'illustration parfaite de ces fameuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui font tant défaut à notre économie.
Mais, à cause de la pandémie, Olivier Sadran a dû fermer ses cuisines à proximité des aéroports, et placer des milliers de salariés en activité partielle. Il a même commencé à licencier 200 personnes. "Notre métier de la main-d'oeuvre est indispensable à la continuité de secteur aérien, un avion ne peut pas voler sans nos services." Problème : dans le foisonnement des mesures de soutien mises en place par l'Etat depuis le début de la crise, le "catering" est passé au travers des mailles du filet. "Nous sommes enregistrés dans le secteur du tourisme, or dans ce cas, les aides de l'Etat sont limitées aux entreprises de moins de 250 salariés", résume le président de Newrest.
Ne pas installer une jurisprudence
Impossible, donc, de bénéficier des exonérations de charges patronales pendant la durée de la crise sanitaire ou de renégocier ses loyers avec les gestionnaires d'aéroports. Un doute plane aussi sur la possibilité de recourir à l'activité partielle de longue durée. "Je ne suis pas en colère, mais j'avais compris que les fleurons français devaient sortir de cette crise sans conséquences majeures. Si notre exception sectorielle n'est pas vite reconnue, nous devrons licencier des milliers de personnes en janvier dans des bassins d'emplois comme la Seine-Saint-Denis, qui sont déjà en grande difficulté", prévient Olivier Sadran.
Avec son homologue Alexis Frantz, le directeur général de Servair (1 milliard d'euros de chiffre d'affaires), ils ont même monté une association professionnelle pour défendre leurs intérêts (12 500 emplois directs en France dans le secteur). Leur PowerPoint d'une quinzaine de pages sous le coude, ils ont frappé une bonne trentaine de fois aux portes des cabinets ministériels et de l'Elysée. "Le niveau d'écoute est excellent, mais on nous oppose une contrainte financière, et je peux le comprendre. En attendant, nous perdons des millions d'euros chaque mois. Si on avait pu, par exemple, rentrer dans le dispositif d'exonération de charges, Servair aurait économisé autour de 50 millions d'euros", plaide Alexis Frantz. Soit un peu moins que le montant du prêt garanti contracté par son entreprise : 66 millions d'euros.
Si Bercy reconnaît que ces effets de seuil sont un problème à régler, le ministère de l'Economie ne voudrait pas créer une jurisprudence qui ferait tache d'huile. "Newrest et Servair sont enregistrés comme des sociétés de restauration collective et la notion d'exemption sectorielle n'existe pas en France", explique une source proche du dossier, qui justifie ainsi que les amendements proposés pour soutenir le "catering" français dans les différents projets de loi de finances aient été systématiquement retoqués. "Le gouvernement n'a pas voulu ouvrir une brèche, même si on est d'accord sur le fond", concède un député de la majorité. "Des entreprises demandent souvent que soient inscrites dans le texte des choses dont elles peuvent bénéficier en direct, au cas par cas", poursuit le député LREM Mickaël Nogal, vice-président de la commission des affaires économiques, et spécialiste de l'aérien. "Nous avons eu la chance de tenir huit mois. Mais pour espérer douze mois de vie supplémentaires, il nous faut des décisions fortes maintenant", prévient Alexis Frantz. Pour ces numéros 3 et 4 mondiaux du secteur, l'opération survie est déjà enclenchée.
