Nicolas Dieuze : « Le Graal d'aller jouer à Liverpool »
L'ancien milieu de Toulouse et Bastia a vécu le match de Ligue des champions du TFC à Anfield, en 2007, comme l'aboutissement de sa carrière.
Nicolas Dieuze en décembre 2020. (J. Prévost/L'Équipe)
Hugues Sionis14 février 2021 à 00h05
« Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous avez joué ?
Je prends souvent pour exemple Michael Essien, que j'ai connu à Bastia. Quand je suis arrivé (en 2001-2002), il avait 19 ans. C'est pour moi la combinaison d'un athlète doté d'une grande puissance, d'une technique très efficace pour le poste (milieu) et d'un état d'esprit fantastique. Sa carrière est à l'image du joueur et du garçon qu'il était, respectueux, toujours à l'écoute. Ce n'était pas possible de ne pas s'entendre avec un mec comme ça. Et quelle puissance ! Je compare souvent Essien et Achille Emana, avec qui j'ai joué à Toulouse. En termes de qualités intrinsèques, Achille avait une technique plus fine et offensive, mais au niveau du mental, ça n'avait rien à voir. Michael était dans la compétition, c'était un grand professionnel.
À Bastia, Nicolas Dieuze a été impressionné par Michael Essien, un milieu complet. (Francotte/L'Équipe)
Le joueur le plus méchant ?
Ce n'était pas forcément un adversaire. Frédéric Mendy, parce que je trouve que ça correspond bien à l'image de Bastia. Il représentait parfaitement la tête de Maure sur le drapeau corse. C'est un mec adorable, d'une gentillesse absolue mais dès qu'il enfilait le maillot, il se transformait et faisait peur. Ça faisait partie du personnage et de sa fonction de défenseur. Quand un match ne prenait pas le bon chemin, il était capable de mettre un bon tampon pour faire monter la sauce. Bon ou pas bon, dans un vestiaire, tu acceptes un gars comme ça qui va savoir recadrer l'équipe.
Le joueur le plus drôle ?
Bryan Bergougnoux. Il avait toujours la banane et envie de déconner. C'était un chambreur marrant, pas méchant, parce que parfois ça peut être fatigant. Il avait toujours le mot qui te donnait la pêche. C'était un très bon joueur aussi. Il n'a pas eu la carrière qu'il méritait. Je me souviens d'un but qu'il marque à Monaco avec Toulouse, après un petit pont. Il adorait organiser des concours à l'entraînement. Fan de Diego Maradona, il se voyait un peu comme un Argentin qui aurait une vie extravagante.
Nicolas Dieuze appréciait beaucoup le sens de l'humour de Bryan Bergougnoux. (P. Lablatinière/L'Équipe)
Le moment le plus fort de votre carrière ?
C'est forcément la qualification pour la Ligue des champions (au tour préliminaire en 2007), avec Toulouse, dans un stade plein. Notre match (3-1 contre Bordeaux) était fini quand on a appris le but de Nicolas Fauvergue avec Lille contre Rennes (1-1), tout est allé très vite. Quand j'étais gamin, j'ai connu le Téfécé avant l'ère Sadran (2001-2020), avec des hauts et des bas. Ça m'a toujours un peu affecté. Je suis un enfant de la région, j'avais envie d'avoir une reconnaissance de l'endroit où je vivais. C'était une forme d'aboutissement collectif et individuel. C'est le Graal d'aller jouer à Liverpool pour le joueur que j'étais (le TFC perdra 0-4 après s'être incliné 0-1 à l'aller). Je n'ai jamais été celui sur lequel on comptait en début de saison, mais au final, c'est moi qui jouais tout le temps. J'ai souvent été capitaine aussi. Mais jamais je n'aurais imaginé jouer la C1.
Nicolas Dieuze et le TFC ont été éliminés par le Liverpool de Peter Crouch au 3e tour préliminaire de la C1 (0-1, 0-4) en 2007. (P. Lahalle/L'Équipe)
Votre plus grand regret ?
Le fait de ne pas être allé au bout de l'histoire avec Luzenac (interdit administrativement de monter en Ligue 2 en 2014, malgré une accession obtenue sur le terrain). On avait créé un groupe de bonshommes, la combinaison parfaite entre les milieux amateur et pro, avec Christophe Pelissier comme entraîneur. J'aurais voulu voir cette équipe en L 2. La fin a été brutale, sur un parking. Le plus important pour moi, c'est l'humain. Le fait que le groupe ait éclaté comme ça, c'est ma plus grande déception.
L'anecdote que vous n'avez jamais osé raconter ?
Un jour de mise au vert, avec Toulouse, deux scènes complètement lunaires se produisent à un quart d'heure d'intervalle. Au déjeuner, j'entends Stéphane Dalmat, qui n'était pas le plus expansif, parler à Lucien Aubey d'un kiné, qui ne dirait pas bonjour en regardant dans les yeux. Steph' prévient : « La prochaine fois, je lui dis ». Quelques instants plus tard, le kiné en question arrive. Les deux s'embrouillent, au point de se retrouver tête contre tête. C'est le président Sadran qui finit par les calmer. Puis la deuxième vague intervient. La femme d'un membre du staff d'Erik Mombaerts entre dans la salle pour insulter tout le monde. Aussitôt le couple, alors en conflit, sort de la pièce et, la porte à peine fermée, le mari se prend une énorme gifle. Il reviendra ensuite pour s'excuser devant le groupe. Ce qui n'empêche pas le président de péter les plombs. On a ensuite perdu tous nos matches. C'était la bascule cette saison-là (2004-2005, le TFC finira 13e). »
EN BREF
42 ans Joueur professionnel : Toulouse (1999-2001 et 2002-2008), Bastia (2001-2003), Le Havre (2008-2009), Grenoble (2009-2011), Luzenac (2012-2014). Palmarès : Champion de Ligue 2 (2003).
Sa vie d'EX
Nicolas Dieuze aurait préféré ne pas s'arrêter sur un échec, mais « la déception a pris le pas sur le plaisir. C'était difficile (de continuer à jouer) après »l'expérience douloureuse de Luzenac. Il aurait pu tenter à nouveau sa chance aux États-Unis, comme en 2011 lorsqu'il était parti effectuer deux essais infructueux au New England Revolution et au Los Angeles Chivas, en MLS. Mais à 35 ans, il n'avait alors « plus envie de partir », après avoir fait construire sa maison près de Toulouse.
Sans jamais avoir pu jouer à l'étranger, il a donc pris sa retraite en 2014 : « Je n'ai pas de regrets. C'est mon histoire ». D'autant qu'il a vite rebondi, tout en restant dans le milieu du football professionnel. Aujourd'hui collaborateur d'agent sportif chez CLK foot, il s'épanouit auprès de jeunes joueurs à qui il délivre ses conseils : « Égoïstement, je revis ma carrière à travers eux. Je suis encore joueur dans ma tête. Participer à cette éclosion me donne une sorte de fierté. »
Après avoir testé son nouveau métier pendant un an, en regardant travailler son ancien agent et désormais associé Stéphane Canard, avec Stéphane Trévisan, il a fini par trouver sa place : « Je m'occupe de tâches administratives et du suivi de joueurs. Je vais voir des matches aussi pour en recruter des nouveaux. On a cette ambition de créer des carrières », à l'image de celle de Romain Perraud, que Dieuze est allé dénicher en moins de 19 ans à Nice et qui est devenu un cadre de Brest.
